Historique
Aperçu historique

Le viaduc des Fades a été conçu pour permettre le franchissement de la profonde vallée de la Sioule à la ligne de chemin de fer de Saint-Éloy à Pauniat, concédée en 1893 à la Compagnie du Paris-Orléans (PO).

Le vertige des chiffres - fascinants pour l'époque - est à la mesure de celui des calculs savants de l'ingénieur Virard, le père de cette construction monumentale. Pour les hommes de ces temps intrépides, il fallait relever le défi imposé par les gorges de la Sioule, en l'occurrence une enjambée d'un demi-kilomètre à plus de 130 mètres de hauteur !

locomotive 230 de la Compagnie d'Orléans

La "Société Française de Constructions Mécaniques" (Anciens Établissements Cail) de Denain s'en chargea. Le chantier commence en octobre 1901. Plusieurs centaines d'ouvriers seront nécessaires pour acheminer les matériaux et pour construire le géant, pierre à pierre, longe de métal après longe de métal, par tous les temps et dans l'inquiétude de la confrontation des calculs à la réalité du terrain.

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Le 18 mai 1909, les deux parties du tablier s'unissent. C'est le baiser du soulagement, car la nature ne s'est pas laissée faire : le sol a fait des siennes (1) et le retard fut de quatre ans !

Du 14 au 16 septembre, le viaduc flambant neuf passe avec succès les épreuves de résistance.

Le 10 octobre, c'est l'heure du rassemblement et de la liesse populaire pour honorer ces huit années de peine. Le monumental ouvrage est inauguré en grande pompe par M. René Viviani (1863-1925), ministre du Travail, en présence d'une foule enthousiaste et bon enfant…

évolution de la construction

 

Le 20 du même mois, le premier train régulier de la nouvelle ligne se joue du précipice ; un pas de géant vient d'être accompli au-dessus de la fougueuse Sioule désormais vaincue !

(1) Il avait été prévu à l'origine un tablier unique, mais la survenue d'un glissement de terrain lors de la construction de la culée de rive gauche (côté nord) nécessita le remplacement des deux arches en maçonnerie de ladite culée par une travée métallique secondaire plus légère.

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Les hommes du viaduc

La S.F.C.M., qui s'incarnait en M. Louis Le Chatelier, son président, et M. A. Thomas, son directeur général, chargea un de ses collaborateurs, M. Cartier d'organiser le chantier, avec le concours sur place de M. Émile Robert, ingénieur des Arts et Métiers et vétéran des travaux du Canal de Panama. Le chantier des Fades profitera largement de la grande expérience de ce dernier.

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construction du viaduc : de 1901 à 1909

Ingénieur-concepteur de l'ouvrage, Félix Virard, suit également le déroulement du chantier, sous la houlette d'Abel Draux, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées à Angoulême.

Plusieurs centaines d'ouvriers se succèdent aux Fades huit années durant. Ils sont carriers, tailleurs de pierre, maçons, charpentiers, peintres… ou bien simples manœuvres. Pour l'habitant de la Combraille, qui exerce en temps normal une activité paysanne, le chantier du viaduc constitue une opportunité appréciable durant la morte-saison…

En raison des mesures de sécurité prises pendant toute la durée de la construction, les accidents mortels ont été l'exception. On retiendra les deux plus notables : le 29 novembre 1906, M. Philippe Dubosclard, 40 ans, ouvrier-maçon sur le chantier des fondations de la pile de la culée de rive gauche, est frappé à la tête par une planche tombée d'un monte-charge ; le 6 mars 1909, M. Joseph Pracros, 28 ans, employé comme peintre sur le tablier du viaduc, s'est fracturé le crâne après avoir fait une chute de 12 m, alors qu'il changeait un échafaudage de place.

Depuis ces troupes de sans-grade en quête d'un gagne-pain (parmi lesquels des adolescents employés comme " mousses ") jusqu'à ces compagnons itinérants, nobles du travail de la pierre et du fer, ce ne sont pas moins de 800 ouvriers venus de tous les horizons qui, à la force du poignet et à la sueur de leur front - et ce, pour un salaire de misère - édifieront en cette vallée des Fades le plus grand pont du monde !

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Les piles

Ce qui fait du viaduc des Fades un ouvrage d'art exceptionnel, ce sont ses deux piles géantes en moellons de granite. Bâties à chaux et à sable, elles sont l'œuvre de la prestigieuse corporation des maçons de la Creuse. Leur construction nécessita plus de deux années de dur labeur.

Leurs dimensions décroissent progressivement de la base au sommet, suivant des parements à surface parabolique. Elles offrent la particularité d'être évidées, ce qui a permis leur édification sans le concours d'échafaudages, les ouvriers ayant pu être acheminés à pied d'œuvre par l'intérieur, grâce à un monte-charge.

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Le tablier

L'autre aspect remarquable du viaduc réside dans son tablier métallique qui, lui aussi, frappe l'imagination par le gigantisme de ses proportions. Véritable dentelle d'acier, il est considéré par l'homme de l'Art comme " un des plus beaux spécimens de poutre droite en treillis multiple ". Tandis que d'autres viaducs jouent sur l'élégance des courbes, celui des Fades voit ainsi triompher la rigueur de la poutre droite…

Le montage du tablier s'est effectué au moyen de deux " cages " volantes, une au départ de chaque rive. Épousant extérieurement le profil de l'ouvrage terminé, ces " cages " renfermaient tous les outils nécessaires au bardage, à la pose et au rivetage des différentes pièces de l'ossature du tablier. Les travées latérales de 116 mètres ont été montées, pour la première moitié sur échafaudage et pour le restant en porte-à-faux. La travée centrale de 144 mètres a été entièrement mise en place en encorbellement, les deux moitiés du tablier progressant au-dessus du vide à partir de chaque pile. La jonction finale (ou clavage) s'est opérée le 18 mai 1909. Le 11 septembre, le viaduc était totalement achevé.

Les grandes dates

22 juillet 1881
La ligne de chemin de fer de Saint-Éloy-les-Mines à Pauniat (aujourd'hui ligne Lapeyrouse-Volvic) est déclarée d'utilité publique.


20 mars 1893
Ladite ligne est concédée à la Compagnie d'Orléans (PO).


1er juillet 1893 - 31 octobre 1896
Étude d'un viaduc (pour traverser la vallée de la Sioule) par les ingénieurs des Ponts et Chaussées Dupin puis Guillaume, sous la direction des ingénieurs en chef Daigremont puis Draux.


1er novembre 1896
L'ingénieur Félix Virard reprend l'étude du projet sous la direction de l'ingénieur en chef Draux.


26 avril 1901
Le projet de l'ingénieur Virard reçoit l'approbation ministérielle.


25 juillet 1901
La Société Française de Constructions Mécaniques (anc. Cail) est déclarée adjudicataire des travaux.


28 octobre 1901
Commencement du chantier par les fouilles des fondations de la grande pile de rive droite.


12 novembre 1901
Début des fouilles de la grande pile de rive gauche.


29 novembre 1901
Début des fouilles de la culée de rive gauche.


17 décembre 1901
Début d'une série d'éboulements (2844 m3) au niveau des fouilles de la pile de rive gauche.


Printemps 1902
Un lent glissement de terrain s'amorce au niveau du coteau de rive gauche.

juillet 1903
Constat de l'instabilité des maçonneries de la culée de rive gauche.


8 août 1903
Arrêt des travaux de maçonnerie de la culée instable.


1903 - 1904
Détection, au niveau du coteau de rive gauche, de l'existence d'une faille argileuse gorgée d'eau, à 35 mètres de profondeur. La faille est purgée par un système de drains en galerie.

juillet 1904 - juillet 1905
Montage de la travée métallique latérale de rive droite (par moitié sur échafaudage, le restant en porte-à-faux).


février 1905
Décision ministérielle autorisant la démolition de la culée de rive gauche. Projet de remplacement des deux arches en maçonnerie par une petite travée métallique plus légère.


1905
Achèvement des maçonneries des deux grandes piles.


juillet 1907 - octobre 1907
Montage du petit tablier de la culée de rive gauche.


novembre 1907 - septembre 1908
Montage de la travée latérale de rive gauche.


septembre 1908 - juillet 1909
Montage en encorbellement de la travée centrale. Le clavage est réalisé le 18 mai 1909.


22 juin 1909
Descente du tablier sur ses appuis définitifs.


11 septembre 1909
Achèvement complet des travaux.


14 septembre 1909 - 16 septembre 1909
Épreuves de résistance au moyen de deux locomotives à vapeur à la tête d'un train de 29 wagons chargés de ballast, pour un poids total de 1075 tonnes.


10 octobre 1909
Inauguration du viaduc sous la présidence de M. René Viviani, ministre du Travail.


20 octobre 1909
Mise en service de la ligne entière de Saint-Éloy-les-Mines à Pauniat, sur l'itinéraire Clermont-Ferrand / Montluçon par le viaduc des Fades.


28 décembre 1984
Inscription du viaduc des Fades sur l'Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques.


7 mai 1999
Inauguration de la mise en lumière de l'ouvrage d'art.


9 décembre 2007 :
Suspension du trafic ferroviaire sur la ligne des Fades " pour raison de sécurité ".

vin d'honneur aux Fades

fête à Saint-Gervais

Le viaduc des Fades à la Belle Époque

     Nota: Une partie des clichés illustrant cette page proviennent du fonds Achille MICHEL (aujourd'hui dispersé...), du nom du photographe officiel du chantier du viaduc des Fades, décédé en 1939.